intersigne de la tête coupée

L’intersigne de « la tête coupée »   PAIMPOL 

Une nuit que Barba Louarn, de Paimpol, était restée à filer jusqu’à une heure très tardive, elle s’endormit de fatigue sur sa tâche. Elle avait bien près de soixante-dix ans, la pauvre vieille !… Sa quenouille lui ayant échappé des mains et ayant fait du bruit en tombant sur le rouet, Barba se réveilla en sursaut. Elle ne fut pas peu surprise de voir toute la pièce éclairée d’une lumière blanche. Dans le milieu de la chambre, il y avait une table ronde où Barba avait coutume de déposer à mesure les écheveaux de lin qu’elle avait filés. Or, sur le tas d’écheveaux, elle vit une tête, une tête fraîchement coupée et d’où le sang dégouttait.

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Dans cette tête, elle reconnut celle de son fils, marin à bord d’un bâtiment de l’État.
Les yeux étaient grands ouverts et la regardaient avec une inexprimable angoisse.
— Mabic ! Mabic ! (Petiot ! Petiot !), s’écria-t-elle, en joignant les mains, que t’est-il arrivé, mon Dieu ?
Sitôt que la vieille eut parlé ainsi, la tête roula sur la table et en fit le tour, par neuf fois.
Puis elle reparut en haut du tas d’écheveaux.
— Adieu, ma mère ! dit une voix.

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Barba Louarn se retrouva plongée dans l’obscurité. Des voisines la ramassèrent, le lendemain, évanouie, sur le plancher de la chambre.
On apprit, à quelque temps de là, que cette même nuit, à cette même heure, son fils Yvon Louarn, second maître à bord du Redoutable, avait eu la tête détachée du tronc, dans une fausse manœuvre ; et, comme c’était par gros temps, la tête avait roulé de ci de là sur le pont, avant qu’on eût pu la saisir au passage.

(Conté par Marie-Jeanne Le Vay. — Paimpol.)

 

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Date de dernière mise à jour : 05/01/2019