La peau de Daisy

LA PEAU DE DAISY
(lire aussi  le conte breton : Le meunier et son seigneur)

Compilé par Lord Blackwood
Traduit par Armanel en 2019.

 
Il était une fois deux agriculteurs qui s’appelaient Hudden et Dudden. Ils élevaient tous les deux de la volaille dans leur jardin, des moutons dans les hautes terres des collines et des troupeaux de bovins dans les prairies au bord de la rivière. Mais malgré tout cela, ils n'étaient pas heureux.
 
Un pauvre homme du nom de Donald O'Neary vivait entre leurs deux fermes. Il vivait dans une petite cabane et ne possédait qu’une petite parcelle d'herbe qui suffisait à peine à nourrir sa seule vache qu’il avait appelée Daisy, ce qui veut dire Marguerite. Bien qu'elle fît de son mieux, c'était vraiment rare que Donald obtenir un verre de lait, encore moins une plaquette de beurre de Marguerite. 

On pourrait penser qu’il n’y avait pas grand-chose ici qui rende Hudden et Dudden jaloux, mais sachez que plus on en a, plus on en veut, et les voisins de Donald restaient éveillés des nuits entières à échafauder des plans pour s’emparer de sa petite parcelle d’herbe de Donald. Marguerite ne les intéressait pas car elle n'était qu'un sac d'os. Un jour, Hudden rencontra Dudden et ils se mirent bientôt à marmonner, comme d'habitude. 
-"Si seulement nous pouvions chasser ce vagabond de Donald O'Neary du village". Disait Dudden
_ "Allons tuer Daisy", dit un jour Hudden; "Si cela ne le fait pas partir, rien ne le fera."

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 Aussitôt dit, aussitôt fait, et il ne faisait pas encore nuit que Hudden et Dudden se faufilaient dans la petite étable où la pauvre Daisy essayait de son mieux de faire du lait, même si elle n'avait pas eu plus d'herbe à manger de toute la journée que ce que peut contenir une main. 
Et quand Donald est venu voir si Daisy était bien installée pour la nuit, la pauvre bête n'a eu que le temps de lui lécher la main une fois avant de mourir.

Donald était un homme malin, et malgré tout son chagrin, il se demanda s'il pouvait tirer parti de la mort de Daisy. Il y réfléchit toute la nuit et le lendemain, on l’a vu partir de bonne heure vers la foire, la peau de Daisy par-dessus son épaule, et toutes les petites pièces de monnaie qu'il possédait dans ses poches. Juste avant d'arriver à la foire, il fit plusieurs fentes dans la peau de Daisy, plaça un sou dans chaque fente, entra dans la meilleure auberge de la ville aussi assuré que si elle lui appartenait, accrocha la peau à un clou le mur, et s’assis.
_ "Une bouteille de votre meilleur whisky", dit-il à l’aubergiste. 
Mais l’aubergiste n’aimait pas la dégaine de Donald. 
-"Est-ce que tu as peur que je ne puisse pas te payer?" dit Donald; "pourtant j'ai ici une peau de vache qui me donne tout l'argent que je veux, chaque fois que j’en demande." 
Et aussitôt, il frappa la peau de Daisy d’un coup de poing et un sou sauta dans sa main. L’aubergiste a ouvert les yeux, comme vous pouvez l'imaginer. 
-"Combien demanderiez-vous pour cette peau?" demanda l’aubergiste.
_ "Cette peau n'est pas à vendre, mon brave homme." Répondit Donald.
_"En voulez-vous une pièce d'or?" Répliqua l’aubergiste.
_"Elle n'est pas à vendre, je te le dis. Elle est dans notre famille, à moi et aux miens, depuis des années?" Répondit Donald
Et sur cela Donald frappa la peau un autre coup de poing et un deuxième centime sauta dans sa main. Finalement, après avoir longuement marchandé Donald a laissé la peau s'en aller et, ce soir-là, on le vit marcher jusqu'à la porte de Hudden?

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_" Bonsoir, Hudden. Voulez-vous me prêter votre meilleure balance? " demanda poliment Donald.
Hudden regarda Donald et se gratta la tête, mais il prêta la balance.

Lorsque Donald fut en sécurité chez lui, il sortit sa poche un sac d'or brillant et commença à peser chaque pièce dans la balance. Mais Hudden avait mis un morceau de beurre au fond de la balance, de sorte que la dernière pièce d’or resta collée à la balance quand Donald la rapporta à Hudden. Et quand Hudden a récupéré sa balance, il la regarda attentivement, et à peine Donald le dos tourné, il était parti aussi vite qu'il le pouvait chez Dudden. 
_ "Bonsoir, Dudden. Ce vagabond, que la malédiction l’emporte…" 
_ "Tu veux parler de Donald O'Neary?" Demanda Dudden.
_ "Et à qui d'autre devrais-je parler? Il est revenu de la foire et m’a emprunter ma balance pour peser des pièces d'or." 
_ "Comment sais-tu ça?" demanda Dudden.
_ "Voici la balance qu'il m’a empruntée, et regarde la pièce en or qui est encore collée au fond." Répondit Hudden.
Ils sont repartis ensemble et sont arrivés devant la porte de Donald. Donald avait fini de fabriquer la dernière pile de dix pièces d'or. Mais il ne pouvait pas finir parce qu'une pièce  était restée collée à la balance. Et ils sont entrés sans dire '' Si vous s'il vous plaît "ou" Par votre permission. " 
_ "Eh ben, çà alors!" c'était tout ce qu'ils purent dire quand ils virent les piles de pièces d’or sur la table de Donald.
 
_ "Bonsoir, Hudden; bonsoir, Dudden. Ah! Vous pensiez m’avoir joué un bon tour en tuant Daisy, mais vous ne m'avez jamais rendu un meilleur service de toute ma vie. Quand j'ai trouvé la pauvre Daisy morte, je me suis dit, «Eh bien, sa peau doit bien valoir quelque chose; Les peaux de vache valent leur pesant d'or sur le marché en ce moment. " 
Hudden donna un coup de coude à Dudden et Dudden fit un clin d'œil à Hudden.
_ "Au revoir, Donald O'Neary." Dirent Hudden et Dudden d’une seule voix.
_  "Au revoir, mes bons amis."Répondit Donald en souriant.

 Le lendemain, il n'y avait pas une seule vache ou un seul veau qui appartienne à Hudden ou à Dudden qui fut toujours en vie. Toutes les peaux furent apportées à la foire dans la plus grande charrette de Hudden, tirée par la plus forte paire de chevaux de Dudden. Quand ils sont arrivés à la foire, chacun a pris une peau sur son bras et ils se promenaient dans la foire en hurlant à tue-tête: 
_ «Peaux à vendre! Peaux à vendre! "
Le tanneur est sorti:
_ " Combien pour vos peaux, mes bonshommes? " 
_ "Leur poids en or." Répondit Dudden.
_ "Vous avez bu trop de cidre à la taverne." Fut tout ce que le tanneur a dit et il est rentré dans son jardin. 

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_ "Des peaux à vendre! De belles peaux fraîches à vendre!"
Le cordonnier est sorti. 
_ "Combien pour vos peaux, mes hommes?"
_ «  Leur poids en or. "Répondit Hudden.
_" Est-ce que ça amuse de vous moquer du monde? Tenez, Prenez ça pour vos douleurs, "
Et le cordonnier porta un coup de poing  qui fit trembler Hudden. 
Les gens arrivaient d'un bout à l'autre de la foire pour voir ce qui se passait.
_ " Quel est le problème? Criaient les gens. 
_ « Voici deux vagabonds qui vendent des peaux pesant leur poids en or, dit le cordonnier.
_  Attrapez-les vite! " Cria l'aubergiste, qui fut le dernier à arriver, car il était très très gros. " Je parie que c'est l'un des voyous qui m'a trompé hier en me demandant trente pièces d'or pour une peau de misère. "

Hudden et Dudden ont eu plus de coups de pied et de poing que de pièces d’or avant de pouvoir rentrer chez eux, et ils ont couru le plus vite qu’ils le pouvaient parce que tous les chiens de la ville étaient sur leurs talons. Eh bien, vous pouvez me croire, s’ils aimaient peu Donald auparavant, ils l’aimaient encore moins maintenant. 

_ "Quel est le problème, mes amis?" dit-il en les voyant avec leurs chapeaux tordus, leurs manteaux déchirés et leurs visages couverts de bleus. "Est-ce que vous vous êtes battus? Ou peut-être avez-vous eu des ennuis avec la police ?" 
_"Nous te surveillerons de près, vaurien. Tu te crois intelligent, tu pensais même nous tromper avec tes histoires mensongères."
_  "Qui vous a trompé? N'avez-vous pas vu l'or de vos propres yeux?" 

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Mais il était inutile de parler. Donald devait payer pour cet affront et il devait payer tout de suite. Il y avait un sac à viande à portée de main, et Hudden et Dudden ont jeté Donald O'Neary dans le sac et l'ont attaché à un piquet, et ils sont partis pour le lac Brown dans la tourbière, chacun avec un bout du piquet sur son épaule, et Donald O'Neary  qui pendouillait entre eux. Mais le lac Brown était loin, la route était poussiéreuse, Hudden et Dudden étaient fatigués, et assoiffés. Il y avait une auberge au bord de la route.
_ "Entrons", dit Hudden; "Je suis mort de fatigue. Il est lourd pour le peu qu'il  mange."
Si Hudden était fatigué, Dudden l'était également. Quant à Donald, vous pouvez être sûr que sa permission n’a pas été demandée, mais il a été jeté à la porte de l’auberge comme s’il avait été un sac de pommes de terre. 
_ "Ne bouge pas d’ici, sale vagabond", dit Dudden en entrant dans l’auberge et en fermant la porte derrière lui. 
Donald se tut, mais au bout d'un moment, il entendit les verres s’entrechoquer et Hudden chanter à tue-tête. 

_ "Je ne la veux pas, je vous dis; je ne la veux pas!" dit Donald.
 Mais il ni avait personne pour entendre ce qu’il disait.

_ "Je ne la veux pas, je vous dis; je ne la veux pas!" dit Donald, et cette fois il le dit plus fort; Mais il ni avait toujours personne pour entendre ce qu’il disait.

_ "Je ne la veux pas, je vous dis; je ne la veux pas!" dit Donald, et cette fois il l'a dit aussi fort qu'il pouvait. 
_"Et qui ne veux-tu pas, puis-je avoir l'audace de demander?" dit un agriculteur qui venait d’acheter un troupeau de bétail et qui venait à l’auberge pour prendre un verre.
_  "C'est la fille du roi. Ils veulent m’obliger à l'épouser." Répondit Donald.
_  "Vous êtes un gars chanceux. Je donnerais toute ma fortune pour être à votre place." Répondit l’agriculteur.
_ "Vous voyez ça comme cela maintenant! Mais serait-il bien qu'un fermier épouse une princesse vêtue d'or et de bijoux?" Demanda Donald.
_  "Des bijoux, tu dis? Ah, mais, tu ne pourrais pas m'emmener avec toi?" Répliqua l’agriculteur.
_ "Eh bien, tu me semble un honnête garçon, et comme je ne me soucie pas de la fille du roi, bien qu'elle soit aussi belle que le jour et qu'elle soit couverte de bijoux de haut en bas, tu l'auras. Détache le cordon, et laisse-moi sortir; ils m'ont ligoté, sachant que je la fuirais. " Répondit Donald.
 Le fermier a libéré Donald et l’a remplacé dans le sac. 
_ "Maintenant, reste immobile, et ne crains pas d’être trimballé; tu arriveras sur les marches du palais. Et peut-être qu'ils vous prendront pour un vagabond, qui ne veux pas de la fille du roi. " 
_ "Prenez mon bétail en échange", dit le fermier; 

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Et vous devinez bien que Donald n'a pas traîné pour les ramener chez lui. Hudden et Dudden sont sortis et l'un a pris un bout du piquet et l'autre l'autre. 
_ "J’ai l’impression qu'il est plus lourd", a déclaré Hudden. 
_ "Ah, ça ne fait rien," dit Dudden; "nous ne sommes qu’à un pas maintenant du lac Brown."
_  "Je  veux bien maintenant! "Je veux bien maintenant! hurla le fermier de l'intérieur du sac.
_  « Par ma foi, et tu le fais bien," dit Hudden, et il posa son bâton sur le sac. 
_ " Je  veux bien Je  veux bien » hurla le fermier, plus fort que jamais. 
_ "Eh bien, nous y sommes", dit Dudden, car ils arrivaient maintenant au lac Brown et, détachant le sac du piquet, ils le jetèrent noué dans le lac. 
_ "Tu ne nous joueras plus tes tours," dit Hudden. 
_ "C'est bien vrai ", dit Dudden. "Ah, Donald, mon garçon, c'était une mauvaise idée que tu as eu de m’emprunter ma balance." 

Ils sont partis avec un pas léger et un cœur apaisé, mais quand ils étaient près de chez eux, qui ont-ils vu sinon Donald O'Neary, et tout autour de lui les vaches paissaient, et les veaux couraient ensemble. 
_ "C'est toi, Donald?" dit Dudden. "Par ma foi, tu as été plus rapide que nous." 
_ "C'est vrai, Dudden, et permettez-moi de vous remercier gentiment. Le tour était bon, si la volonté était mauvaise. Vous avez sûrement entendu, comme moi, qu’au fond du lac Brown il y a un souterrain qui conduit au pays de la richesse. J’ai toujours pris cela pour des mensonges, et pourtant je vous donne ma parole que tout est exact. Regardez le bétail que j’ai autour de moi. " 
Hudden regarda et Dudden resta bouche bée. Mais ils ne pouvaient pas quitter des yeux le bétail. 
_ "Ce ne sont pas les plus beaux que j’ai pris avec moi", a déclaré Donald O'Neary; "Les autres étaient si gros que je ne pouvait pas les sortir du souterrain. Croyez-moi, ce n'est pas étonnant qu'ils soient si gras, avec à perte de vue de l'herbe aussi douce et juteuse que du beurre frais."
  _ "Ah, Donald, n'avons nous pas toujours été amis", dit Dudden, "mais, comme je viens de le dire, tu n'as jamais été un garçon méchant, et tu nous indiqueras le chemin, n'est-ce pas?" 
_ Je ne vois pas pourquoi je le ferai. Il y a tellement plus de bétail là-bas. Pourquoi ne pourrais-je pas les avoir pour moi tout seul? "

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"Crois-nous, dirent-ils, plus tu t'enrichiras, plus ton cœur sera dur. Tu as toujours été un bon voisin, Donald. Tu ne voudrais pas garder cette chance pour toi tout seul?" 
_ "C'est vrai, Hudden, mais c'est un mauvais tour que tu m'as joué. Et pourtant je veux bien passer l’éponge, alors viens avec moi." 
Ils sont partis avec un cœur léger et un pas pressé. Quand ils sont arrivés au lac Brown, le ciel était plein de petits nuages blancs qui se reflétaient dans l’eau. 
_ "Ah! Maintenant, regardez, les voilà, là au fond du lac", cria Donald en désignant les nuages dans le lac. 
_ "Où où?" cria Hudden, 
et 
_ "Ne sois pas gourmand!" s'écria Dudden en sautant le plus fort pour être le premier avec le gros bétail. 
Mais si Dudden a sauté le premier, Hudden n’a pas hésité à le suivre. Ils ne sont jamais revenus. Peut-être qu'ils sont trop gros, comme le soi-disant bétail. 
Quant à Donald O'Neary, il avait tout le bétail nécessaire à lui assurer le bonheur jusqu’à la fin de ses jours.

 

 

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Date de dernière mise à jour : 15/08/2020