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Les trois Jean

Les Trois Jean de Brocéliande

Voici une histoire qui s’est passée il y a longtemps à Brignac, petite commune, où l’on vivait tellement vieux qu’il fallait prendre le bâton de pèlerin de Saint Bartélémy dans l’église pour assommer les habitants qui arrivaient à l’âge de cent ans et qui ne parvenaient pas à mourir. Il y avait à cette époque, dans la commune de Brignac, un jeune homme si fort et vigoureux que toutes les jeunes filles du pays n’avaient d’yeux que pour lui. Il était apprenti forgeron et se promenait toujours avec une barre de fer de plus de cent kilos qu’il faisait tournoyer autour de sa tête comme un Penn Sonneur menat son bagad. On l’appelait « Jean Barre de Fer ». 
Un jour,  Jean Barre de Fer   décida de parcourir le monde pour faire fortune. Mais son bâton de cent kilos ne lui suffisait pas. Il demanda à son maître forgeron de lui en fabriquer un qui soit digne de son surnom. Pendant plus d’une semaine, le forgeron fondit l’acier pour confectionner un bâton digne de  Jean Barre de Fer. Deux fois, Jean Barre de Fer refusa la barre proposée car il la trouvait trop légère. C’est avec joie que le maître forgeron vit son apprenti satisfait, la troisième fois, car il ne lui restait presque plus d’acier à fondre.

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C’est par un froid matin d’hiver, alors que la lune était encore haute dans le ciel, que  Jean Barre de Fer  prit la direction de la forêt de Brocéliande. Après plusieurs heures de marche, il arriva en vue de Saint-Léry. Là, il fut étonné en voyant un bûcheron qui portait plusieurs arbres à la fois sur ses épaules.
— « Comment t’appelles-tu ? » Demanda  Jean Barre de Fer.
— « On m’appelle Jean des Arbres. » Répondit l’homme.
— « Voudrais-tu parcourir le monde avec moi, afin de chercher fortune ? » demanda  Jean Barre de Fer 
— « Ma foi, pourquoi pas. » Répondit Jean des arbres « Je commence à m’ennuyer par ici. »
Jean des arbres  emporta avec lui les plus beaux et les plus gros arbres qu’il pût trouver et se mit en route avec  Jean Barre de Fer . Après avoir cheminé quelques temps, ils arrivèrent à Tréhorenteuc où leur passage en surprit plus d’un. Arrivés au Moulin de la Vallée, à proximité du miroir des Fées, ils furent tout surpris de voir le meunier occupé à jouer au jeu du palet avec les meules de son moulin.
_  « Bigre, » se dirent-ils, « voila un singulier personnage », et l’interpellèrent.
— « Quel est ton nom ? »
— « Je m’appelle Jean des Meules. » Répondit le meunier.
— « Et te plairait-il de parcourir le monde avec nous ? » Demanda  Jean Barre de Fer 
— « Ma foi, bien volontiers » répondit Jean des meules, « la récolte de cette année à été bien mauvaise et n’ayant plus de blé à moudre, je m’occupe comme je peux ».

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Cet c’est ainsi que nos trois Jean « des Fers, des Arbres et des Meules » s’enfoncèrent dans la forêt de Brocéliande, en espérant y trouver de quoi satisfaire leur soif d’aventures. À cette époque, la forêt de Brocéliande couvrait presque la moitié de l’Armorique. C’était la forêt vierge des celtes, la forêt des découvertes et des mystères... Les trois Jean décidèrent de la découvrir de long en large, et dans cette forêt immense ils connurent plus d’aventures que les Chevaliers de la Table Ronde. Ecoutez plutôt ce qui suit.
Après avoir marché plusieurs heures nos rois jeans arrivèrent au bord d’un large étang.
_  « En faire le tour nous ferait perdre du temps » dit Jean des Arbres et jetant ses arbres, il fit un pont pour traverser cette grande pièce d’eau.
Puis, après avoir marché pendant trois jours, ils arrivèrent en face d’un un immense château abandonné aux tours d’argent et aux portes d’or, qui trônait au milieu d’une clairière. Comme la nuit commençait à tomber, ils décidèrent d’aller y dormir. Ils pénétrèrent dans le riche palais sans frapper à la porte, comme cela se faisait autrefois. Quelle ne fut pas leur surprise de trouver à l’intérieur du château des lits qui semblaient les attendre.
« Jean Barre de fer » cria : Eh ! eh ! ...
« Jean des Meules » cria : Oh ! oh ! ...
« Jean des Arbres » cria : Ah ! ah ! ...
Hormis le bruit des chauves-souris et des chouettes, ils passèrent une excellente nuit.

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Après cette excellente nuit, nos trois amis se levèrent tout joyeux
_ « ‘Et maintenant, à nous la vie de château » dit Jean barre de Fer.
 Déjà, Jean des Arbres avait fait l’inventaire des cuisines et revint tout joyeux.
—«  Vous pouvez aller vous distraire à la chasse si vous voulez, Moi, je m’occupe de la cuisine, à midi, je sonnerai la cloche pour vous dire que le repas est prêt.
Jean Barre de Fers et Jean des Meules s’en allèrent donc en promettant à Jean des Arbres de ramener un sanglier. Et alors qu’ils étaient occupés à poursuivre un sanglier de forte taille, Jean des Arbres faisait mijoter la soupe au château. Mais soudain il vit de la suie tomber dans la marmite et, il commençait à peine à râler que  trois pierres tombèrent dans son potage.
_ «  C’est sûrement une chouette qui a été dérangée par la fumée, pensa-t-il en ajoutant, « attends que je t’attrape ». 
_ « Attrape moi si tu le peux » lui répondit un drôle de petit bonhomme qui venait de descendre de la cheminée. 
Jean des Arbres ne fut pas long à comprendre qu’il avait affaire à un korrigan. 
 Et le korrigan de dire : — Qu’il fait froid chez vous !
Et Jean des Arbres de répondre : — Chauffe-toi mon petit bonhomme !
Et le petit bonhomme au lieu de se chauffer cracha dans la marmite.
Jean des Arbres vit rouge et voulut se saisir du méchant korrigan  Une rude échauffourée suivit qui se termina, bien entendu, au bénéfice du korrigan, qui poussa et coinça notre Jean des Arbres entre une armoire et le mur. 
Midi était passé depuis longtemps ; Jean Barre de fer et Jean des Meules n’entendant pas la cloche sonner, décidèrent de rentrer au château pour voir ce qui se passait. A leur arrivée, ils furent tout surpris de trouver Jean des Arbres coincé derrière l’armoire.
_ « Que s’est il donc passé ici, pour que tout soit sans dessus-dessous ? » demanda Jean des Meules.
_ « Ce château est hanté, il est la propriété d’un korrigan, c’est lui qui m’a mis en cette fâcheuse posture », dit en gémissant Jean des Arbres. 
_ « Qu’à cela ne tienne, demain je te vengerai » répondit Jean des Meules.

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Le lendemain matin, Jean des Arbres et Jean Barre de Fer s’en allèrent chasser tandis que Jean des Meules était resté travailler à la cuisine. Il avait déposé ses meules à proximité de la cheminée. La pendule du château indiquait presque midi, la soupe de légumes bouillonnait, et Jean des Meules commençait à se dire que Jean des Arbres avait inventé l’existence du korrigan, lorsque trois pierres tombèrent dans le potage qui fumait dans la marmite.
_ « Te voici enfin, aurais-tu peur de mes meules pour n’arriver qu’à présent ? » cria Jean des Meules dans le conduit de la cheminée. 
_ « Peur de tes meules ! Pauvre idiot, tu veux me voir, et bien me voici. Permets-moi de te dire tout de même que le pays d’où tu viens doit être un pays bien pauvre pour avoir des meules de moulin de si petite taille.
Mais celui-ci, fils du Diable, fut encore plus fort que le géant. Jean des Meules se trouva jeté, roulé, tassé entre deux charniers. C’est dans cette position que le découvrirent ses deux compagnons.
Jean des Meules vit rouge. Il voulut se saisir du méchant korrigan. Aussitôt, un rude combat s’engagea entre Jean des Meules qui devait regretter son beau pays de Tréhorenteuc. Le korrigan fils du Diable, fut encore plus fort que Jean des Meules, coinça notre Jean entre ses meules avant de le jeter au fond d’un puits asséché.
Lorsque Jean des Arbres et Jean Barre de Fer arrivèrent, la maison était vide et la soupe était servie, mais sur la terre battue et non sur la table. Ils cherchèrent en vain leur compagnon dans tous les recoins du château. Ce n’est qu’en traversant la cour qu’ils entendirent des cris désespérés qui venaient du puits où se trouvait Jean des Meules.
Aussitôt, Jean Barre de Fer lui tendit la barre de fer dont Jean des Meules se servit comme d’un corde pour remonter à la surface. 
_ « Le korrigan est un esprit malin, il vaut mieux quitter ce château qui lui appartient » dit Jean des Meules en ayant bien du mal à se remettre de son aventure.
_  « Quitter ce beau château alors que je n’ai même pas testé ma force contre ce lutin, il n’en est point question » dit Jean Barre de Fer « Demain, c’est moi qui resterai aux cuisines le temps que vous alliez à la chasse. 

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Le lendemain, Jean des Arbres et Jean des Meules partirent à la chasse pendant que Jean Barre de Fer s’affairait aux cuisines. La soupe mijotait déjà depuis un certain temps lorsque trois pierres venues d’on ne sait où vinrent épaissir le bouillon.
Alors que le korrigan sautait de la cheminée, Jean Barre de Fer s’était saisi de sa barre et commençait à caresser notre lutin qui criait pitié. Le combat fut de courte durée et cette fois, ce fut le korrigan le perdant. Jean Barre de Fer le saisit et, avec l’aide de sa barre de fer, l’envoya bouler dans une auge en granit.
Lorsque ses deux compagnons rentrèrent, la soupe trônait sur la table. 
_ « Comment, tu es venu à bout de ce korrigan » s’exclamèrent Jean des Arbres et Jean des Meules. 
_ « Bah, il n’était pas si fort que vous le prétendiez. Venez plutôt le contempler avec moi. Je l’ai envoyé valser dans l’auge de granit au fonds de la cour. »
Quelle ne fut pas leur surprise en arrivant au lieu indiqué. Car dans l’auge, il ne restait plus que la barbe ensanglantée du korrigan. Jean Barre de Fer, pestant après tous les diables, s’empara violemment de la barbe du korrigan en la déchirant. Aussitôt, un grondement se fit entendre, en se retournant, nos compagnons virent alors le château tomber en ruines, la terre s’ouvrit brusquement sous leurs pieds, et ils disparurent dans les entrailles de la terre. Ils comprirent alors, mais un peu tard, que les châteaux sans hommes, n’étaient que des inventions du Diable.
Depuis ce jour, nul n’a entendu parler de Jean des Fers, ni de Jean des Arbres, pas plus que de Jean des Meules et encore moins du château hanté par le korrigan.


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