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Sans souci et les deux voyageurs

2 _ Sans souci et les deux voyageurs


Un jour qu’il travaillait, comme d’habitude, en bras de chemise, les manches retroussées et la figure toute noire de charbon et de fumée, deux passants, deux étrangers, un vieux et un jeune, s’arrêtèrent pour le regarder.
— Tu travailles de bon cœur, Sans-Souci ! Lui dit le plus jeune.
— Il faut travailler, messeigneurs, pour gagner sa vie, répondit Sans-Souci.
Et Sans-Souci mettait le fer au feu, puis l’en retirait et le battait sur l’enclume, et la sueur lui tombait du front goutte à goutte. Les deux passants étaient en admiration devant lui.
— J’aime les travailleurs comme toi, Sans-Souci, reprit l’inconnu, et, pour te le prouver, fais-moi trois demandes, à ton choix, et je te les accorderai.
Sans-Souci sourit et le regarda du coin de l’œil, comme quelqu’un qui se méfie un peu.

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— Demande moi le paradis, lui dit le plus âgé des deux voyageurs.
— Le paradis, mon brave homme, répondit Sans-Souci , est à qui le gagne, et ne se donne pas si facilement, je pense.
— Tu as raison, Sans-Souci, reprit le plus jeune; mais fais-moi tes trois demandes, et je te promets de te les accorder, quelles qu’elles puissent être.
— Eh bien ! J’ai souvent soif, à battre le fer sur mon enclume, et la fontaine est assez loin ; je voudrais bien qu’un vieux poirier que j’ai là, dans ma cour, derrière la forge, porte des fruits en toute saison, même en hiver.
— Accordé, dit le jeune voyageur.
Et aussitôt le vieux poirier de Sans-Souci se couvrit de belles fleurs blanches, et, un moment après, il succombait sous le poids de belles poires toutes dorées, bien qu’on fût en plein mois de janvier !
— Fais ta seconde demande, Sans-Souci, dit l’inconnu.
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— Demande le paradis, à présent au moins, lui dit encore le vieillard.
— Laissez-moi donc tranquille avec votre paradis, grand-père, lui répondit Sans-Souci ; le paradis est à qui sait le gagner, vous le savez bien, et j’espère qu’on ne me le refusera pas, après ma mort, si je l’ai gagné.
— Certainement, répondit le jeune étranger ; fais ta seconde demande, Sans-Souci.
— Eh bien ! Je voudrais avoir là, au coin de ma forge, un bon fauteuil ; et toutes les fois que quelqu’un s’assoirait dans ce fauteuil, je voudrais qu’il ne puisse s’en relever que lorsque je le lui permettrai.
— Accordé, répondit le jeune étranger.
Et le fauteuil se trouva aussitôt au coin de la forge.
— Fais, à présent, ta troisième demande.
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— N’oublie pas de demander le paradis, cette fois! dit encore le vieillard.
— Je vous le répète, laissez-moi tranquille avec votre paradis, vieux radoteur ! Je demande, à présent, un jeu de cartes avec lequel je gagnerai toujours, quelle que soit la personne avec qui je jouerai.
— Accordé encore ! Tiens, voilà les cartes.
Et un jeu de cartes tout neuf se trouva aussitôt sur l’enclume.
Les deux voyageurs firent alors leurs adieux au maréchal-ferrant, et poursuivirent leur route. Vous avez sans doute deviné que le plus jeune était Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même, qui voyageait alors en Basse-Bretagne, et l’antre saint Pierre, qui l’accompagnait partout dans ses voyages.

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