Connor et les loups

Proposé par Lord Blackwood
Traduit par Armanel _2022

Une histoire de loups

La transformation d’êtres humains en loups (loups garous) est un sujet très fréquent dans les légendes irlandaises, et beaucoup d'histoires terrifiantes sont racontées autour du feu de tourbe par les paysans pendant les nuits d’hiver : Aventures étranges où il est question de loups. Des histoires qui se transmettent depuis leurs ancêtres des temps anciens; car il n'y a désormais plus loups en Irlande. 

Armanel - conteur ( http://armanel.e-monsite.com)

Il y avait autrefois, un jeune fermier nommé Connor, qui avait perdu deux belles vaches de son troupeau, et il eut beau questionner les habitants des alentours, personne ne pouvait lui donner de nouvelles de ses bêtes. Alors Connor a décidé de partir à leur recherche à travers la campagne. Comme la recherche s’annonçait difficile et longue, il prit un gros bâton de prunellier dans sa main, puis il s'en alla.
Toute la journée, Connor a parcouru des kilomètres et des kilomètres, mais il ne vit jamais aucun signe de vie de ses bêtes. Lorsque le soir arriva et que le ciel  commençait à devenir très sombre, Connor était fatigué et affamé, et il ne trouvait nulle place où se reposer car il était au milieu d'une lande désolée et pierreuse sans une seule habitation en vue, sauf un abri  long, bas et grossier qui ressemblait plus au repaire d'un brigand ou d'une bête sauvage qu’à la demeure d’un bon chrétien. Mais une lueur est apparue par une fente entre les planches du bâtiment, et Connor prit son courage à deux mains, monta le sentier caillouteux et frappa à la porte. A peine avait-il cogné contre la porte qu’un vieil homme grand, mince, aux cheveux gris, avec yeux vifs et sombres est venu lui ouvrir.
_ « Entrez, » dit le vieil homme, « vous êtes le bienvenu. Nous vous attendions. Je vous présente ma femme ».
Et le vieil homme amena Connor près du foyer, où était assis une vieille femme mince aux cheveux gris, avec de longues dents acérées et de terribles yeux brillants.
_ « Vous êtes le bienvenu, » dit-elle. « Nous vous attendions. Approchez-vous, il est temps de souper. Asseyez-vous et mangez avec nous. »

Connor était un homme connu pour son courage, mais il fut immédiatement inquiet à la vue de cette étrange créature. Cependant, comme il avait son solide bâton avec lui, il pensait qu'il pourrait toujours se battre pour défendre sa vie et, en même temps, il était tenté de se reposer et de se restaurer, car il était à la fois affamé et fatigué, et comme maintenant la nuit était bien noire, il ne retrouverait jamais le chemin du retour même s'il essayait. 
Alors Connor s'assit près l'âtre, tandis que la vieille femme aux cheveux gris touillait la marmite sur le feu. 
Mais Connor remarqua qu'elle le regardait tout le temps avec ses yeux vifs et perçants. Puis on frappa à la porte. Et le vieil homme se leva et l'ouvrit.
Connor vit un jeune loup noir élancé entrer. Ce jeune loup est allé tout droit dans une chambre, d'où est immédiatement ressorti un jeune homme brun, mince et beau, qui prit place à table et regarda durement Connor avec ses yeux brillants.
_ « Vous êtes le bienvenu, » dit le jeune homme, « nous vous attendions »

Avant que Connor ne puisse répondre, un autre coup se fit entendre à la porte, et un deuxième loup traversa la pièce et entra dans la chambre comme le premier. Peu après, un autre beau garçon brun sortit de la chambre et s'assit pour souper avec eux, fixant Connor avec ses yeux perçants, mais ne dit pas un mot.
_ « Ce sont nos fils, » dit le vieil homme, « dites-leur qui vous êtes, et ce que vous a amené ici parmi nous, car nous vivons seuls et nous sommes heureux d’avoir des étrangers qui viennent chez nous. »

Armanel - conteur ( http://armanel.e-monsite.com)

Alors Connor raconta son histoire ; comment il avait perdu ses deux belles vaches, et comment il avait fouillé toute la journée et n'en trouva aucune trace ; et qu’il ne savait rien de l'endroit où il se trouvait, ni du gentilhomme qui l'invitait à souper ; mais que si ils pouvaient lui dire où trouver ses vaches, il leur en serait reconnaissant et repartirait chez lui le cœur léger.
Ils ont tous éclaté de rire et se sont regardés, et la vieille femme était plus effrayante que jamais quand elle montrait ses longues dents acérées.
Sur ce, Connor s'est mis en colère, car s’il était brave, il était aussi colérique. Il saisit son bâton d'épine noire fermement dans sa main et se leva, leur ordonnant de lui ouvrir la porte car il désirait poursuivre son chemin, puisqu'ils semblaient ne pas faire attention à ses soucis et ne faisaient que se moquer de lui.
Alors l'aîné des jeunes gens se leva. 
_ « Attends, » dit-il, « c’est vrai que nous sommes féroces et méchants, mais nous n'oublions jamais une gentillesse. Te souviens-tu qu’un jour, en bas dans le vallon, tu as trouvé un pauvre petit loup en train d’agoniser et qui pensait mourir parce qu'une épine acérée lui avait percé le flanc? Et te souviens-tu aussi que tu as doucement retiré l’épine puis que tu lui as donné à boire, et enfin que tu l’as laissé repartir en paix? »
_ « Oui, je m'en souviens très bien, » dit Connor, « et je me souviens aussi comment la pauvre petite bête m'a léché la main en signe de gratitude. »
_ « Eh bien, » dit le jeune homme, « ce loup, c’est moi. Et je t'aiderai si je peux. Restes avec nous ce soir et n'aies pas peur ».

Alors ils se rassirent tous pour souper et festoyèrent joyeusement, puis tous tombèrent rapidement endormi, et Connor ne se rappela plus rien de ce qui s’est passé cette nuit-là sauf qu'il se réveilla au petit matin près d'une grande meule de foin dans son propre champ.
_ « Si seulement, » pensa-t-il, « l'aventure de la nuit dernière n'était pas un rêve, je retrouverai certainement mes vaches en rentrant chez moi. Car le jeune loup m’a promis son aide, et je suis certain qu'il ne me mentait pas. »

Armanel - conteur ( http://armanel.e-monsite.com)

Mais quand Connor est arrivé chez lui et a regardé partout ; dans la cour, dans l'étable et dans le champ, il n'y avait aucune vue des vaches en vue. Alors il est devenu très triste et découragé. 
Mais alors qu’il commençait à se lamenter, il a aperçu trois des plus belles vaches qu’il n'avait jamais vu  qui venaient d’entrer dans son champ. 
_ « Ces vaches ont dû s'égarer », se dit Connor, et il a pris son gros bâton pour les chasser hors du champ. Mais lorsqu'il atteignit la barrière, il vit un jeune loup noir qui le regardait. Et quand les vaches ont voulu sortir, le jeune loup bloqua le passage et les repoussa. Alors Connor comprit que son ami le loup avait tenu parole, et il laissa les vaches brouter tranquillement dans le champ. Ces vaches étaient les meilleures laitières qu’on n’ait jamais vues dans le pays, et leurs descendantes le sont toujours au moment où je vous parle. 
Connor est devenu riche et prospère; car une bonne action n'est jamais perdue, mais porte chance, comme le dit le vieux proverbe :

« Par une bonne action accomplie,
Tu enrichis toujours ta vie. »

Mais Connor n'a jamais plus retrouvé cette lande désolée ni ce bâtiment solitaire, bien qu'il ait cherché longtemps afin de remercier ces loups amicaux. Il n'a plus jamais rencontré aucun membre de cette famille, et il a beaucoup pleuré chaque fois qu'un loup abattu était amené en ville pour demander la récompense, craignant que ce soit son excellent ami la victime des chasseurs.

Armanel - conteur ( http://armanel.e-monsite.com)

Ceci se passait à l'époque de la reine Elizabeth, lorsque les troupes Anglaises faisaient une guerre incessante au peuple irlandais, et il y avait plus loups que d’hommes en Irlande. 
A cette époque, en Irlande, le nombre des loups avait tellement augmenté en raison de la désolation du pays par les guerres constantes, qu'une récompense d’un prix élevé était payée pour chaque peau de loup apportée à la cour de justice. 
A cette époque aussi, les morts gisaient sans sépulture par centaines sur les routes, car il n'y avait plus assez de mains pour leur creuser des tombes.

.