Iroise, la sirène

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 Merci de ne pas reproduire ce texte qui m'a été gracieusement offert par Ramine en Juillet 2018

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La légende d’Iroise 

       Sirène de Saint-Mathieu

Iroise

 

 

Textes et illustrations  de Ramine

   
     Ici, avant toutes choses, il n’y avait rien ni personne. Les rochers étaient encore plus pointus et saillants, les vagues étaient encore plus énormes et écumantes et les êtres fantastiques vivaient en harmonie avec les êtres naturels, les oiseaux de mer, les poissons et les dauphins. Avant que l’homme n’ose venir ici, avant qu’il n’y ait la moindre ville ou village à plusieurs jours de navigation, vivait ici dans les bouillons de la mer irlandaise une sirène dénommée Iroise. Son terrain de jeu commençait sur la proue du continent  et s’arrêtait là où l’horizon embrasse le ciel. 
Lorsqu’en Egypte, les marchands bretons avaient ravi les reliques saintes de Matthieu, l’apôtre de Jésus, et qu’après plusieurs mois de voyage ils étaient parvenus dans les parages de l’actuelle pointe Saint-Mathieu, ils avaient affronté une très forte tempête. Ce jour là, un jour qui ressemblait plutôt à une nuit sans lune ni étoile, ils avaient bien entendu le chant d’une sirène mais, croyant aux stratagèmes d’un esprit maléfique, ils se méfièrent. Cependant, ils ne changèrent pas de cap.
Le chant venait avec les bourrasques de vent et dans cette tempête de fin du monde cela sonnait comme une chose incongrue. C’était le chant d’Iroise, la sirène de la proue du continent.

       Iroise voulait simplement avertir les marchands. Elle était avenante et aimable. Belle et douce. Innocente et naturelle. Depuis les premiers jours de la création elle vivait là, tranquillement, sur son petit bout de rocher en face de la pointe Pen Ar Bed.
Ce jour là, u 21 septembre, un jour parmi tous les autres jours de la création, les marchands bretons s’étaient mis entre les mains de Dieu pour traverser ces parages dangereux. Mais à force de prier pour que les anges et les saints les aident, ils avaient oublié de regarder autour d’eux et ils n’avaient pas vu les rochers tranchants vers lesquels le vent poussait leur navire. Finalement leur fragile esquif, fatigué par tant de mois de navigation, heurta les récifs assassins dans un fracas monstre er se disloqua sous les coups des vagues. Ils crurent leur dernière fin arrivée.
Iroise la sirène assista au drame, impuissante et malheureuse.

Dans leur malheur, les marchands purent regagner la côte, sains et saufs. Par la suite ils décidèrent d’installer là, à cet endroit sauvage où il n’y avait rien ni personne, une abbaye pour protéger et vénérer les reliques de Matthieu le saint.  Là-bas, en Orient, ces reliques avaient la réputation de protéger les hommes, de les guérir du mal et de leur procurer la prospérité. En somme tout ce qu’il faut pour attirer les marins et voyageurs de passage.

Iroise 3
  Depuis lors tous les ans on dit qu’autour du 21 septembre une grande tempête frappe la pointe bretonne : 
?    Eiz dez araog, eiz dez goude, tourmant sant vaze eo koilskooude
?    Huit jours avant, huit jours après, c’est bien tout de même la tempête de Saint-Mathieu.
Armanel - conteur ( http://armanel.e-monsite.com )  _   Avec l'aimable autorisation de Ramine
  En quelques années ils construisirent l’église, la chapelle et le monastère de Saint-Matthieu et préservèrent les reliques saintes, au creux des bâtiments. Des gens et des barques venaient de partout pour rendre hommage et demander protection. Petit à petit, une ville se construisit sur cette pointe.
La sirène Iroise continuait à vivre à côté des moines en contrebas de l’abbaye, sur son petit bout de rocher, prévenant les navigateurs de passage et les pèlerins sur les dangers qui pouvaient les surprendre. Elle chantait toutes le nuits de tempête et toutes les nuits sans lune ni étoiles
Iroise 4

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Le jeune jardinier de l’abbaye s’appelait Meaban. Il était amoureux de la petite sirène depuis qu’il l’avait vue la première fois sur le rocher et qu’il l’avait entendue chanter d’une voix magique et sans pareille. Au fond de lui Meaban savait qu’un homme  ne peut épouser une sirène. Mais comme l’amour rend aveugle et idiot, il décida de capturer Iroise et de forcer le destin. Il la voulait et lui tendit un piège avec un filet.
_ Meaban : « Viens ici Iroise ! Regarde les perles que j’ai pour toi »
Car Iroise aimait beaucoup les perles.

La petite Iroise entra dans le piège sans se méfier de Meaban. Le filet fut refermé et la sirène était captive. Une fois capturée, le jardinier ne savait pas quoi faire de la petite sirène. Ce n’était pas une femme. Elle ne pouvait pas vivre avec lui à terre. Lui, de son côté, n’était qu’un homme et ne pouvait aller vivre ne mer avec elle sur le rocher. 
De toute façon, ce n’est pas avec la force et la ruse qu’on obtient l’amour. Cependant, comme il croyait aussi aux miracles il décida de la mettre dans le lavoir près de l’abbaye. N’est-il pas le jardinier de l’abbaye de Matthieu le saint ?

Armanel - conteur ( http://armanel.e-monsite.com  )  _  Avec l'aimable autorisation de Ramine

La petite sirène ne pouvait vivre dans un lavoir et  elle était très malheureuse. Elle avait besoin de liberté, de nager dans l’océan, de manger du poisson frais, de jouer avec les dauphins, de rendre visite à ses cousines d’Ouessant. Et puis les marins avaient besoin d’elle.
Durant la nuit, Iroise chantait mais c’était un chant tellement triste que le jardinier était décidé à la relâcher dès le lendemain matin.

Trop tard ! La nuit était sans lune ni étoile, une nuit sans luciole ni sirène, une nuit avec des vagues noires et dangereuses.   Un bateau fit naufrage sur le rocher de la petite sirène. Dans le fracas de la tempête, la foudre vint frapper le fronton de l’abbaye et le nom de Matthieu a perdu un T pulvérisé par la force des éclairs, signe d’une colère de la mère nature. Des hommes périrent dans l’assaut des vagues.
L’Ankou, l’ange  de la mort, fit une bonne moisson des êtres et des âmes. Le lendemain matin tout le monde constata le désastre et le jardinier se sentit coupable. Il se sentait très malheureux

Meaban se précipita vers le lavoir mais la petite sirène avait disparu. Elle n’était plus là ! Dans le lavoir, des milliers de petites crevettes rouges et blanches l’avaient remplacée. Le jardinier de l’abbaye était très désolé. 
Il s’en voulait beaucoup pour tout ça, mais l’erreur était faite et rien ni personne ne pouvait remplacer la petite sirène sur le rocher. Rien ni personne ne pouvait rendre la vie aux marins perdus.

Pour se racheter, Meaban décida d’allumer chaque soir un grand feu au sommet de la plus grande tour de l’abbaye, comme les Egyptiens l’avaient déjà fait au port d’Alexandrie.
    Ses journées se passaient alors à ramasser du bois apporté par les vagues et à couper du bois dans les forêts aux alentours. Car, en ce temps-là, toute la Bretagne était couverte d’une épaisse forêt. Ses nuits se passaient  à allumer et à entretenir des grands brasiers afin que les marins de passage reconnaissent leur route.
Devant tant d’efforts, les moines décidèrent de l’aider. Ils construisirent une lanterne en fer forgé pour contenir le combustible et éviter  de mettre le feu à l’abbaye.

Armanel - conteur ( http://armanel.e-monsite.com  )  _  Avec l'aimable autorisation de Ramine
     

Méaban allait tous les jours près du lavoir regarder les crevettes pour leur  raconter ses nuits de veilleur du feu de la pointe Saint-Mathieu. Mais le crevettes ne lui répondaient jamais.
La Bretagne et la pointe Saint-Mathieu avaient désormais leur premier phare et lzeur premier gardien de phare. Meaban veilla longtemps sur le brasier. Il ne se maria jamais et consacra sa vie entière à  cette mission. Quand il devint très vieux et qu’il fut sur le point de mourir, il demanda à être enterré près du lavoir.

 

Depuis Meaban, il y a toujours eu une lumière sur la pointe Saint-Mathieu pour guider les marins. La vieille tour de la pointe Saint-Mathieu qui, à l’origine, éait le clocher de l’abbaye et dont la construction est estimée aux environs de l’an 1200, a été entretenue par des moines d’abord, puis par des gardiens de phare professionnels.
Les envahisseurs nordiques, saxons et anglais ont toujours attaqué l’abbaye pour piller ses richesses et voler les reliques de Mathieu. Au moment de la révolution française, il n’y avait plus beaucoup de moines et la plupart des bâtiments étaient déjà en ruines. Alors l’abbaye fut définitivement abandonnée aux vents, aux tempêtes et à la démolition.
Mais la vieille tour a toujours été entretenue et une flamme a continué de briller de temps en temps sur la grande tour  pour aider certains convois à destination de Brest ou de l’Europe du nord.

Si vous allez au bord de la falaise de la pointe Saint-Mathieu vous pouvez apercevoir le rocher de la sirène et la balise rouge des vieux moines.
Un peu plus loin si vous allez vers le monument aux morts des marins péris en mer, vous passez près du lavoir mais … ne dérangez pas les crevettes !

 Merci de ne pas reproduire ce texte qui m'a été gracieusement offert par Ramine en Juillet 2018

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Date de dernière mise à jour : 28/11/2018