Le noyé de l'Aber

Le noyé de l’Aber   /  Tréglonou

Ceci s’est passé à Tréglonou au début du XX° siècle, juste après la Grande Guerre. Tréglonou, bien que situé loin dans les terres, était un port de pêche florissant. Les nombreuses maisons de pêcheurs qui existent toujours en sont la preuve. Mais ce port situé loin au fond de l’Aber Benoît, protégé des tempêtes marines, avait un gros inconvénient : Plus que tout autre port de pêche, il était tributaire des marées et de l’estuaire. Descendre ou remonter l’Aber était toujours aléatoire, parfois dangereux. 
Ce jour-là deux frères, Joseph et Robert Tréguer était partis pêcher au large de Saint Pabu. Leur journée de labeur terminée, à la nuit noire, ils attendaient, avec les autres pêcheurs de Tréglonou, la reverse de marée pour pouvoir remonter l’Aber Benoît en profitant de la force du courant de la marée montante, ce qui leur permettait de rejoindre leur port d’attache en ne tirant que quelques bords sur leur canot.  Ils furent les premiers de la flottille à  s’engager dans le chenal, mais alors qu’ils dépassaient la chapelle de Loc Majan, une grosse bourrasque s’éleva sur l’océan et s’engouffra dans l’Aber. Les deux frères s’engagèrent dans la passe jusqu’à la pointe de Beg Menez Ar Veneg quand un coup de vent plus fort que les précédents coucha leur embarcation qui prit l’eau. Robert décida presque immédiatement de se jeter à l’eau et d’essayer de rejoindre le rivage.  Joseph qui était moins bon nageur et qui espérait peut-être que le canot pourrait se redresser restait accroché au mât ce qui lui assurait normalement de ne pas se noyer. Mais comme le canot de pêche dérivait et s’enfonçait, il décida de se lancer à l’eau à la suite de son frère. Quand il toucha terre à Beg Menez Ar Veneg, Joseph haletant chercha son frère en pensant qu’il l’y avait précédé ; mais il ne le trouva pas. Les autres pêcheurs accostèrent et cherchèrent le disparu jusqu’à trois heures u matin dans la nuit noire. C’est à la marée descendante que l’on trouva le corps de Robert coincé entre deux rochers dans une position inhabituelle..
Quand les pêcheurs rentèrent au port avec le cadavre, ils le conduisirent au presbytère. Joseph était encore sous le choc de la perte de son frère et ne se sentait pas le courage d’annoncer la nouvelle à Marie, sa belle sœur.  Ce fut Anna, une autre belle sœur de Marie qui accepta la triste mission.
Quand Anna frappa à la port de Marie, Marie lui dit qu’il était inutile que cette dernière parle car elle savait pourquoi sa belle sœur se présentait seule à sa porte à cette heure indue. 
Marie raconta à Anna qu’elle ne se doutait pas de la triste nouvelle  parce que son mari était en retard, mais qu’elle savait ce qui lui était arrivé car elle avait, en songe, assister à sa mort. Elle ajouta que dans son songe, elle lui avait aussi  demandé de recommander son âme à Dieu.
Ceci explique peut-être la position inhabituelle, pour un noyé, dans laquelle les pêcheurs avaient trouvé Robert : Il était allongé, souriant, avec les deux bras croisés sur la poitrine.
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Date de dernière mise à jour : 13/02/2022

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