Le voyageur de commerce

Il n'y a pas si longtemps de cela, un voyageur séjournait dans un des trois ou quatre hôtels réputés de Penzance. Cet homme s’était souvent rendu dans cette ville, mais n'avait jamais visité St. Ives, bien qu'il soit curieux de voir l'endroit, car étant petit il avait zézayé la vieille comptine "de l'homme de St. Ives, qui avait sept femmes".
Notre voyageur est donc parti  à cheval de Penzance très tôt ce matin-là, afin d’avoir suffisamment de temps pour explorer ce vieil endroit célèbre et visiter certaines des mines de Lelant se trouvant le long de sa route. Après avoir visité la mine de Providence et avoir eu une longue conversation avec le Capitaine John Anthony, vieux patriarche intelligent et aimable, il est arrivé, environ trois heures de l’après-midi, très endolori et très affamé, « à la ville qui s’est couchée sur le bord de mer  pour être lavée et n'eut pas la force de s’en retourner." 

Après avoir rempli son estomac d'un dîner de poisson splendide et d'autres bonnes choses, largement servies à l'Hôtel "Occidental", il sortit afin de voir la nouvelle jetée, dont les hommes de st. Ives sont si fiers.
A voir tant de vieilles maisons originales et pittoresques autour du Marché, il a été incité à errer dans le labyrinthe d'allées et de jardins des quartiers retirés, espérant trouver une construction assez antique pour passer pour l'habitation du personnage mythique des sept femmes. 
Il a rapidement trouvé un  logement qu’il pouvait, assez raisonnablement, imaginer avoir été construit du temps de Noé, époque à laquelle il pouvait avoir été lavé à fond durant le déluge, mais notre voyageur se dit qu'il n’avait jamais été nettoyé depuis, tant des odeurs dégoûtantes et stupéfiantes, on pouvait même parler de puanteur, le saluaient à tout moment, comme il se frayait un chemin par le Dijey et sautait les canivaux de Charn Chy.
Il était en plein milieu d'une saison de pêche très animée et il en avait vu assez (et trop senti) pour satisfaire sa curiosité, pour ne pas vouloir retourner sur le quai. Aussitôt qu'il est revenu "à l'Occidental", il a conforté son estomac révulsé (qui maintenant détestait le poisson) avec une bonne ration du meilleur cognac de M. Hodge. Puis il a est remonté sur son canasson et est reparti vers Stennack, afin de retourner à Penzance par la vieille route et examiner les ouvriers et les machines à la mine de Wheal Reeth qui se trouverait sur son en chemin.

Je suppose qu’il avait atteint le défilé de l'Infirme, car il m’a dit qu'il s’est arrêté à un hôtel au bord de la route afin de se renseigner sur le chemin le plus court pour se rendre  la mine. Alors, après avoir erré pendant des miles sur des chemins qui semblaient mener nulle part (bien qu’il jurait avoir scrupuleusement suivi les directions données) sans parvenir à atteindre  Wheal Reeth, il s'est trouvé, à dix heures du soir par une nuit sombre et brumeuse, il ne savait où.

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D’après ce que je pouvais discerner, selon sa description de l'endroit et des gens qu'il a ensuite rencontrés, il a du errer à travers les entrelacs de chemins complexes jusqu’à un certain endroit sur Lelant Downs, quand, voyant une lumière briller à la fenêtre de la chambre à coucher d'une maison de campagne, il est allé jusqu'au portail du petit muret, l’a ouvert, a traversé le jardin et a frappé à la fenêtre (d'où la lumière  brillait) deux ou trois fois avec le manche de son fouet). Alors il a entendu la voix d'une femme  derrière le vantail garni de rideaux : 
_"Yan, dormez-vous Yan ? N’entendez-vous rien ?" 
_"Si," a répondu à Yan du fond du lit, "ouvrez le volet et regardez  qui est là."
_ "Non pour rien au monde, je  suis sûre que c’est un esprit, ou un tokan; Qui d’autre pourrait venir en ce lieu isolé à  cette heure de la nuit, je voudrais bien le savoir : je vous dis Yan, c’est un avertissement pour vous faire penser à votre fin prochaine, pour vous détourner de vos mauvais penchants et vous faire vous repentir, car vous êtes un grand pécheur et le menteur le plus abominable que je connaisse mais vous êtes trop fier pour le reconnaitre. Puisse le Seigneur briser ce cœur pierreux qui est le vôtre."
_"Tenez votre langue vieille folle et ouvrez le volet," dit Yan, "ou je vais sortir du lit et c’est moi qui irait voir ce qui se passe."
_"Non vous ne le ferez pas, car c’est un esprit qui vient pour vous; je vous éteindre la lumière et vous rejoindre dans le lit."
Le voyageur, qui était fatigué d'entendre le sermon ou la plaisanterie de la femme (difficile de savoir la vérité) a frappé à nouveau à la fenêtre, en même temps qu’il toussait.
_ "Alors Molly," dit Yan, " pensez-vous que votre esprit a pris un froid. You coughan d'hearn cust ' spose. J'ai bien entendu parler d’esprits faisant toutes sortes de bruits étranges, pourtant je n'ai jamais entendu parler d'un esprit qui tousse ou éternue jusqu’à aujourd’hui; Ce doivent être les garçons qui vivent en haut la colline, qui rentrent du bal à la maison, et qui veulent une lumière pour les conduire dans la nuit; je me lève et je vais voir." 
Joignant  l'action à la parole, Yan a sauté du lit, a tiré le rideau et a ouvert la fenêtre. Bien que l'homme  ne fut qu’à quelques centimètres de la fenêtre, dans le brouillard, Yan fut incapable de le voir car il était ébloui par  la lueur de sa bougie. Il  appela :
_ "Bonjour, qui crie, ou êtes-vous, que voulez-vous?"
_"J'ai pris la liberté de frapper chez vous car je cherche le chemin de Penzance."

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"Ha! Je vous vois mieux  maintenant : homme et cheval! Mais que faites-vous ici ? Mais ne vous déplacez pas d’un pouce, ni votre cheval non plus. Vous avez détruit ma planche de poireaux. Que voulez-vous! Dites-moi la vérité : qu'est-ce qui vous amène ici à cette heure de la nuit ?"
_"Dites-moi par ou se trouve  Penzance s'il vous plaît ?" 
_"La route à Penzance! Mais il y a beaucoup de routes d'ici à Penzance, prenez n'importe quel chemin que vous voulez ; si celui-ci n’est pas assez bon pour vous, prenez le deuxième à gauche, mais ne bougez pas d’un pouce tant que je ne suis pas descendu," 
_"Mon brave homme, prenez le temps de m’écouter, je payerai pour votre planche de poireaux. Je me suis perdu en essayer de revenir de St. Ives à Wheal Reeth. Si je suis près de la mine,  je serai heureux de m'arrêter dans l'écurie, ou n'importe quel endroit pour la nuit. Je suis si endolori je peux à peine monter à cheval." 
_"Que le Seigneur vous bénisse monsieur. Je serai en bas dans une minute : vous êtes un des entrepreneurs, je suppose? Comme je suis désolé de ne pas vous avoir reconnu auparavant : laissez-moi mettre quelques guenilles et je serai en bas dans un instant : excusez-moi monsieur, s’il vous plait. Je serai en bas dans une seconde, aussi rapide qu’un clin d’œil et je vous remettrai dans le droit chemin."
"Non, mon brave homme, ne descendez en aucune façon; de plus, je n'ai rien à voir avec les mines," 
_"Ha! Vous n’êtes pas un entrepreneur ? Qui ou quoi êtes-vous et d’où venez-vous ? »
L'homme, qui se préparait à s'habiller, se pencha  de nouveau, avec rien sur lui  sauf sa chemise et son bonnet de nuit, à la fenêtre, afin de mieux voir le cavalier nocturne. Le brouillard était maintenant devenu du crachin, quand le voyageur a répondu, 
_"je suis un fabricant d'épingle de Birmingham." 
_"Un fabricant d'épingle! Un fabricant d'épingle ! Et vous êtes venus de cette grande ville que l’on appelle Birmingham, d'où viennent les boutons : cela  doit être un endroit exotique très loin d’ici n’est-ce pas ? Mon Dieu vous ne pourrez jamais gagner votre vie en faisant des épingles et vous faites des aiguilles aussi ? Et le cheval, vous l’avez trouvé sur la route je suppose ? Maintenant, ne bougez pas  d’un pouce. Un pauvre fabricant d'épingle! Pourquoi, ne faites-vous pas autre chose pour gagner votre vie.

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_"Pourquoi donc, et je gagne assez bien ma vie en plus."
_"Comment ? êtes-vous  marié ?" 
_"Oui, une femme et une famille."
_ "Allons donc, vous ne pouvez pas nourrir  femme et famille en fabriquant des épingles et des aiguilles? Que peuvent-ils manger ? Molly, avez-vous entendu cet homme ? Je vous demande de le croire, cela vous changera de toutes le balivernes que vous écoutez au lavoir."
 
La femme s’est levée et a montré sa tête, couverte de sa coiffe, à la fenêtre, dans le dos de l’homme, leur curiosité à l’égard du voyageur était très grande.  Quand le voyageur expliqua au couple stupéfié comment qu’il appartenait à une manufacture où les épingles et aiguilles étaient faites par des machines et où des centaines de mains, de tous les âges, étaient employées, Yan, sans prendre le temps de s’habiller, descendit, fit entrer le voyageur, a enlevé  la bride de la tête du cheval fatigué et affamé et le laissa paître le long de la route. Pendant ce temps, la femme a servi une tasse de thé au voyageur fatigué.

Le brave couple était tout à fait certain que le fabricant d'épingle était piégé par les lutins, parce que, quand ils sont montés à leur chambre, quelques minutes avant son arrivée, il n'y avait pas de brouillard, et ils  lui ont assuré qu’il avait été créé par des lutins malicieux tout comme les autres apparitions étranges qui l'avaient séduit. Comme ce labyrinthe  de chemins étroits et ces lumières tremblotantes aux fenêtres des maisons qui s’étaient révélées n’être rien d’autre que des vers luisants brillant dans les haies. Et afin d’empêcher les lutins de lui jouer d’autres tours, ils l'ont persuadé de mettre son manteau à l'envers. Comme notre bon couple avait une vache, le fabricant d'épingle a été régalé de beaucoup de mets délicats à base de lait et d’un gâteau de mûre, recouvert d’une crème délicieuse. Il est resté avec eux trois ou quatre heures, bien heureux de leur franchise et cde leur cordialité.

Le tinandier,  avec son langage simple, lui a donné beaucoup plus d'informations intéressantes sur les affaires minières et les tours de main des mineurs que le voyageur n'aurait jamais reçu des officiels, des fonctionnaires ou des courtiers qui ne lui auraient jamais parlé des énormes profits que les fonderies faisaient sur le dos  des  pauvres mineurs qui gagnaient à peine de quoi leur permettre de faire vivre leur familles , et comment ils gagnaient le double des enfants grands et petits, qui auraient du être à l'école et des mères qui ont déjà plus qu'assez à faire à la maison et qui devaient trimer pour aider à l a survie de la famille. Il a aussi fait l'éloge des propriétaires qui continuent l’exploitation de leurs mines dans le seul but d’essayer de nourrir ces pauvres travailleurs, sans aucun espoir de bénéfice et avec le grand risque de courir à la faillite.

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Après beaucoup de bons vœux mutuels et le refus absolu du dédommagement offert pour les poireaux, le thé et les ennuis et, ce que l’étranger a le plus apprécié, le chaleureux accueil avec lequel ils l'ont distrait, le voyageur est parti, avec son manteau mis à l'envers, accompagné par Yan jusqu’au bas de l’allée de noisetiers, où il fut content de voir que la brume avait disparu à l’approche de l'aube. Devant aller lentement, très lentement, à cause des douleurs longtemps ressenties à chevaucher, ce fut longtemps après le lever du soleil qu’ il a salué avec  joie  la vue du Mont Tregender et a rejoint son auberge à la même heure qu’ il l'avait quittée le matin précédent, à la satisfaction de son hôte, qui était inquiet de la longue absence d'homme et du cheval, sachant que le voyageur avait  l'intention de faire un aller retour rapide l'après-midi du jour ou il est allé visiter st. Ives. La crainte de l’hôtelier était que le voyageur puisse être séduit par le chant des sirènes de st. Ives, qui, nous le savons guettent depuis les ouvertures de leurs cavernes de Prairie Verte à Cham Chy, yeux et bouches ouvertes vers les étrangers que le hasard fait passer devant elles. 
Il a surtout craint que l'homme et le cheval puissent être tombés dans un puits de mine d'étain abandonné, ou dans un gouffre non signalé sur la lande.
L'explorateur lassé de tous ces chemins perdus, plus fatigué qu’affamé était heureux de retrouver le lit confortable qu’il avait quitté vingt quatre heures auparavant, et d’avoir un peu de repos avant de retourner à Birmingham. Nous espérons que quand il reviendra par ici, il apportera une bonne quantité d'épingles et aiguilles  pour notre Molly et une autre histoire de ses aventures pour nous.

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Date de dernière mise à jour : 26/11/2017