LES SORCIÈRES DE DELNABO

*bogles, (Un bogle, est un mot  écossais désignant un fantôme ou un être folklorique, utilisé pour une variété de créatures, notamment les Shellycoats, les Barghests, les Brags, et les Hedley Kow.)


LES SORCIÈRES DE DELNABO

Documentation : Lord Blackwood
Tradution : Armanel - conteur / 2023

Autrefois, la ferme de Delnabo était partagée par trois locataires.
Au commencement de cette histoires, les trois locataires vivaient de façon semblable ; chacun aussi à l’aise que les deux autres dans sa situation, aucun plus pauvre que les deux autres dans sa condition. 
 Mais il arriva, que les voisins de la ferme de Delnabo remarquèrent que l’un des trois locataires, bien que plus travailleur et plus talentueux que  ses deux confrères, sombrait chaque jour, un peu plus, dans la pauvreté, tandis que ses deux voisins amélioraient chaque jour leur condition financière. 
Étonnée et affligée par la malchance qui accompagnait ainsi sa famille, comparé à la condition prospère de ses voisins, la femme du pauvre homme avait l’habitude d’exprimer son étonnement, non seulement à ses amis proches, mais aussi aux femmes de ses colocataires elles-mêmes.
Un jour qu’elle se plaignait plus fort que d’habitude, les deux autres épouses lui ont demandé de quoi elle serait capable pour améliorer sa condition. Elle leur a répondu qu’elle donnerait tout ou ferait n’importe quoi. 
_ « Eh bien, dit l’une des deux voisines, si vous acceptez de garder nos révélations strictement secrètes et d’obéir totalement à nos instructions, ni la pauvreté ni le besoin ne vous assailliront plus jamais. »

Armanel - conteur ( http://armanel.e-monsite.com

Ces paroles impressionnèrent la femme du pauvre homme qui se demanda immédiatement si ces deux femmes ne pratiquaient pas la sorcellerie. Faisant semblant d’être toute heureuse de leur proposition, elle a promis d’accepter toutes leurs conditions. On lui ordonna alors, d’emporter avec elle le balai de genêts (bien connu pour ses propriétés magiques) lorsqu’elle irait se coucher ce soir-là, et qu’elle devrait laisser aux côtés de son mari au cours de la nuit ; le balai prendrait si exactement la forme de son corps que son mari ne pourrait rien remarquer. En même temps, elles la rassurèrent sur toute crainte de voir le subterfuge découvert, car leurs propres maris ne se rendaient compte de rien, et ce depuis un grand nombre d’années. Les choses étant ainsi arrangées, elle leur affirma qu’elle les rejoindrai à l’heure de minuit, afin de les accompagner à cette scène qui devait réaliser son bonheur futur.
Promettant de suivre leurs instructions, la femme du pauvre homme prit congé de ses voisines, pleine d’un sentiment d’horreur que la découverte d’une telle dépravation  produisait dans son esprit vertueux. Se précipitant vers son mari, elle ne crut pas criminel de rompre la promesse qu’elle avait faite à ses mauvaises voisines et, en épouse dévouée et prudente, de révéler à son mari tous les détails de leur entretien. Le mari a grandement loué l’ingéniosité de sa femme et le couple a immédiatement imaginé un plan : Il fut convenu que le mari échangerait ses vêtements avec ceux de sa femme, et que sous ce déguisement, il accompagnerait les deux voisines à l’endroit désigné, pour voir quels sortilèges elles avaient l’intention d’effectuer.
Il mit donc les habits de sa femme et, à minuit, rejoignit les deux voisines à l’endroit fixé. La « nouvelle mariée », comme elles l’appelaient, fut très cordialement reçue par les deux « Dames au Balai », qui la félicitèrent chaleureusement en lui promettant fortune immédiate et  bonheur éternel. Elles lui donnèrent une torche en sapin résineux, un balai et un  tamis, articles dont elles étaient elles-mêmes pourvues. 

Armanel - conteur ( http://armanel.e-monsite.com

Les trois femmes partirent aussitôt. Elles se sont dirigées, le long des rives vallonnées de l’Avon, jusqu’à  Craic-Pol-Nain. Ici, en raison de la pente abrupte du craig, elles ont trouvé plus sage de passer de l’autre côté de la rivière. Ce passage s’effectua facilement, le gué étant à sec à cet endroit de la rivière. Elles sont alors arrivées en vue de Pol-Nain. La mare semblait recouverte par une flamme ardente : Plus de cent torches flambaient dans la nuit, leurs faisceaux se reflétant sur les bois imposants de Loynchork. Et je peux vous assurer qu’aucune oreille humaine  n’avait entendu auparavant des cris tels que ceux provenaient de l’horrible troupe engagée dans une orgie infernale sur Pol-Nain. Ces cris horribles paraissaient, cependant, une douce musique pour les deux épouses de Delnabo. Chaque cri produisait en elles un sentiment de joie immense, et elles s’éloignèrent, laissant la « nouvelle mariée» loin derrière elles. Car, comme vous devez l’imaginer, notre homme n’était pas pressé d’atteindre la scène, et quand il l’a atteinte, c’était avec la détermination de n’être qu’un spectateur, et surtout pas  un acteur de la soirée. En arrivant au bord de la mare, il observa ce qui se passait. 
Il vit une centaine de sorcières se balancer d’avant en arrière sur leurs tamis, utilisant leurs balais comme des rames, hurlant telles des cornemuses, poussant des cris pire que ceux des *bogles, et chacune tenait dans sa main gauche une torche en sapin résineux. Puis elles se mirent à  tourbillonner en venant faire une profonde révérence à un grand chien galeux noir et laid, perché sur un haut rocher, qui les remerciait de leur loyauté et de leur dévotion en souriant et en frappant ses pattes l’une contre l’autre. 
Les deux voisines donnèrent quelques instructions à la « nouvelle mariée ». Elles étaient impatientes de se joindre à la troupe et désiraient qu’elle reste au bord de la mare et attende qu’elles communient avec Son Altesse satanique au sujet de son investiture. Elle lui déclarèrent que pour augmenter leur vitesse quand elles traverseraient la mare, elle devrait les encourager en criant à plein poumons le nom de leur maître. La « nouvelle mariée » assura qu’elle se conformerai à cet ordre de la paire maudite. Mais dès que les deux voisines furent embarquées dans leurs tamis, et qu’elles furent arrivées dans une profondeur d’eau convenable,  notre homme cria :
_« Avancez,  au nom du Tout Puissant. »

Armanel - conteur ( http://armanel.e-monsite.com
 
Un cri horrible sortit de la poitrine des sorcières ; le sort magique était maintenant dissous, leur pouvoir sur les objets disparut instantanément et leurs tamis coulèrent, entraînant au fond de la mare les deux sorcières, au milieu des cris et des lamentations du chien noir et de toute sa troupe infernale. Toutes les torches s’éteignirent en un instant, et la compagnie effrayée s’enfuit dans toutes les directions, sous les formes qu’elle jugeait les plus commodes. 
La « nouvelle mariée » rentra chez elle en sifflotant, s’amusant beaucoup de la manière habile dont elle avait exécuté les instructions de ses voisines désormais noyées. En arrivant chez lui, il remit ses vêtements personnels et, sans satisfaire immédiatement la curiosité de sa femme quand au résultat de son excursion, il sortit son bétail et commença ses travaux matinaux comme  d’habitude. 
Ses deux voisins firent de même. Vers l’heure du petit déjeuner, cependant, les deux voisins furent un peu étonnés de voir que leurs femmes n’étaient pas sorties du lit, contrairement à leur habitude, et ils exprimèrent cette surprise à  leur voisin. Ce dernier leur répondit  qu’il serait bien surpris, qu’elles se lèvent ce jour-là. 
« Qu’est-ce que vous voulez dire par là ? » répondirent-ils. « Nous avons laissé nos femmes en bonne santé quand nous nous sommes levés nous-mêmes. » 
«  Je vous propose d’aller les retrouver » répondit notre homme, sifflant aussi joyeusement qu’auparavant. 
Courant chacun dans son lit, quel ne fut pas l’étonnement des maris, quand, au lieu de leur femme, il ne trouvèrent que des vieux balais. 
Leur voisin leur dit alors que, s’ils se rendaient à Pol-Nain, ils y trouveraient leurs deux chères défuntes au fond de la mare. Les maris en deuil décidèrent de s’y rendre et, avec les instruments nécessaires ont ramené leurs femmes décédées sur la terre ferme, puis les ont enterrées dans un lieu gardé secret. 
Inutile d’ajouter que notre homme retrouva peu à peu son ancienne opulence. Et je peux vous affirmer qu’il ne devait sa nouvelle opulence qu’à la valeur de son travail et surtout pas à un artifice quelconque.

Date de dernière mise à jour : 17/07/2023