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La lampe d'Aourgen

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Cette histoire se passe à Landéda, mais peut être pas vraiment le Landéda actuel.
A cette époque Lanniliz et  Landéda n’étaient en fait qu’une seule et même paroisse appelée Ploudiner. Comme vous pouvez le constater, il n’y a pas que les guerres qui font bouger les frontières.
Notre histoire prend place au nord ouest de  Landéda dans une presqu’île appelée Sainte Marguerite en l’honneur d’une chapelle Santez Marharid qui s’y trouve plantée là. Mais cette appellation est assez récente : Les anciens appelaient cet endroit An Arvor car c’est le secteur le plus maritime de la commune. 
Cette appellation d’An Arvor était très courante alors : A Plouguerneau, l’avancée de terre baptisée depuis peu Lilia (en fait depuis la création de la paroisse), s’appelait aussi An Arvor. 
An Arvor était, pourrions-nous dire aujourd’hui, un terme connoté d’un peu de mépris mélangé à un peu de pitié ; les conditions de travail y étaient dures et les habitants avaient des conditions de vie précaires et dures.

Donc, notre histoire s’y passait au milieu du XIX° siècle. Notre « héroïne » malgré elle jeune femme de dix-huit ans perdit brutalement sa mère. Elle n’avait ni frère ni sœur et son père naviguait au loin « dans la Marchande ».  Notre jeune fille, Aourgen, s’était redue sur la grève pour décoller des Brenniks, laissant sa mère seule dans leur pauvre Penn-Ty occupée à faire le ménage et ranger le sac de patates sous le lit clos. L’effort nécessaire à cette action eut raison des forces de la faible femme.

A cette époque, lorsqu’un jeune enfant se retrouvait seul, la parenté se réunissait et décidait de qui prendrait en charge l’enfant laissé seul. C’était une pratique naturelle très courante consacrée par la nécessité de se serrer les coudes et de pratiquer une foi chrétienne raisonnée et cela sans s’embêter à se rendre à la mairie pour signer des papiers ou faire des démarches administratives interminables.

Mais vu son âge, Aourgen était considérée comme autonome, et le conseil de famille décida que concernant sa capacité à travailler elle était adulte et qu’elle pouvait aussi s’occuper de sa maison. Aourgen se retrouva donc seule dans son Penn-Ty.
Le temps passa, et Aourgen vaquait à ses occupations en attendant le retour du Père.

Armanel - conteur ( http://armanel.e-monsite.com/ 

C’était la veille de Pâques. Une fois sa journée terminée, Aourgen alla se coucher dans le grand lit clos. « Les lits clos étaient généralement à deux places. Comme le vent soufflait fort au dehors, et qu’elle n’arrivait pas à s’endormir, Aourgen décida d’apporter une lampe, avec elle, dans le lit clos. C’était une lampe a huile avec un réservoir en laiton et une mèche de coton protégée des courants d’air par un globe en verre épais. De celles  que l’on appelle couramment lampes tempête. Comme le lit clos était grand, et si Aourgen faisait bien attention, il n’y avait guère de risque d’incendie.
Une fois installée au fond du lit, et après avoir égrené un chapelet afin de se donner du courage, Aourgen se sentit prête pour passer une nuit apaisée. Elle éteignit donc sa lampe et s’allongea. La lampe se rallume.
Aourgen, surprise, se dit qu’elle n’avait pas souffler assez fort sur la mèche et que cette dernière avait réussi à se rallumer toute seule.
Aourgen souffla de nouveau sur la mèche et se prépara à … Voici que, de nouveau, la lumière se rallume toute seule.
Un peu effrayée tout de même. Elle vivait seule dans un Penn-Ty isolé, Aourgen passa en revue toutes les créatures surnaturelles qui vivaient encore à l’époque, méchantes ou non, qui auraient pu lui jouer ce mauvais tour : Ar goulou reg (les feux follets), ar Viltansou (les lutins), an Ankou (le valet de la Mort) ou an Anaon (les trépassés).
Franchement, Aourgen n’en menait pas large, surtout qu’à l’époque les maisons ne fermaient pas à clef. 

Blottie au fond du lit clos, Aourgen souffla pour la troisième fois sur la mèche de la lampe tempête et garda les yeux ouverts afin de surveiller. Dans le noir épais du lit clos, le plus petit rougeoiement indiquerait que le feu couvait dans la mèche, et cela aurait le mérite de rassurer Aoourgen qui aurait enfin une réponse logique à ce phénomène. Mais rien, pas de point incandescent, tout allait bien. Aourgen se retourna et décida de s’endormir profondément. Et La lumière se ralluma…

La personne qui m’a relaté cette histoire ne put me dire combien de fois exactement la bougie s’est rallumée.
Mais le lendemain, contre le vent et sous la pluie battante, le prêtre de la paroisse vint annoncer à Aourgen que son père qui rentrait sur Brest était tombé à l’eau en face de Saint Mathieu et qu’il avait réussi à surnager pendant trois minutes, soit le temps nécessaire* au phare de l’époque pour lancer six éclats lumineux, avant de se noyer.

Armanel - conteur ( http://armanel.e-monsite.com/ 

* Le phare actuel de St Mathieu, haut de trente six mètres, fut mis en service en 1835. C’était un feu à éclipses de trente secondes en trente secondes qui fonctionnait à l’huile de colza. En 1911 le feu est posé sur un bain de mercure ; c’est depuis un feu à éclat d’une période de quinze secondes. Le phare a été électrifié en 1932.
Le phare  possède ses couleurs actuelles (rouge et blanc) depuis 1963. Pendant toutes ses anées, la lampe tournait dans le sens des aiguilles d'une montre. Depuis le printemps 2020 ( et l'apparition de la COVID 19 ?) elle tourne en sens inverse. 

Evocation du phare de Saint Mathieu

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Date de dernière mise à jour : 06/11/2021