LLUD et LLEWELYS
Traduction et adaptation : 2023 - 04
Armanel_ Lord of Blackwood
Merci de bien vouloir lire les quelques notes ci dessous avant de commencer à lire le conte.
Notes concernant les Mabinogion
Note 1: Ce conte est extrait des Mabinogion; récits médiévaux, écrits en gallois du xvie siècle, qui font référence à la mythologie celtique.
D'autres contes relevant de la légende Arthurienne s'y ajoutent.
Note 2:: Pour écrire ces textes, je me suis servi :
des textes de Lady Charlotte Guest,
et des ouvrages de Joseph Loth, de Peter Berresford Ellis et de Pierre-Yves Lambert
Une traduction littérale n'aurait pas rendu la musicalité de ces textes qui se déclamaient comme des poêmes en prose.
J'ai donc gardé le style de narration de la version originale, tout en évitant certaines "lourdeurs" qui auraient pu lasser le lecteur.
Note 3: J'aurais pu mettre des notes explicatives dans le texte. Mais ces renvois auraient été fastidieux... Et puis nous sommes dans le domaine du conte et non du fait historique.
J'invite tout lecteur intéressé ou intrigué à faire ses propres recherches afin d'approfondir ses connaissances. Je vous conseille, donc, de vous reporter au texte de J.Loth si vous avez besoin de notes explicatives.
Notes concernant LLUDD et LLEWELYS
La lecture des trois notes préliminaires vous permettra de lire le conte plus facilement.
Note 1: Coraniens
Les Coraniens, hommes de race teutonique, venus d'un pays que les annales bretonnes désignent par le nom de terre des marais, entrèrent dans le golfe formé par l'embouchure de l'Humber ( en face de Sheffield et Leeds), et s'établirent le long des rives de ce fleuve et sur la côte orientale, séparant ainsi en deux portions le territoire des *Logriens.
Ceci se passait bien longtemps avant l’invasion de l’île de Bretagne par les légions romaines.
La Loegrie (ou Royaume de Logres) est un royaume légendaire qui appartient à l’histoire mythique de l’île de Bretagne, et correspondant à la partie Sud-Est de l’Angleterre.
Note2: Cistvaen
Un cistvaen (ou kistvaen) est une chambre funéraire formée de dalles de pierre plates en forme de boîte. Le mot est dérivé du gallois CIST (poitrine) et MAEN (pierre).
Entièrement enterrés, les cistvaens étaient généralement recouverts d'un monticule de terre et entourés d'un cercle de petites pierres. Le corps était généralement disposé dans une position foetale.
J’ai vu beaucoup de cistvaen dans le Dartmoor (Cornouailles anglaises) Ce sont souvent de petites fosses rectangulaires d'environ 1 mètre de long sur 50 centimètres de large.
Note 3: Snowdon
Le mont Snowdon, « la colline enneigée » (en gallois Yr Wyddfa, « le tumulus »), s'élève à 1 085 mètres d'altitude et est le point culminant du Pays de Galles. Il se situe dans le comté du Gwynedd, au sein du parc national de Snowdonia.
Voici l’histoire de Llud et Llevelys
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Beli le Grand, fils de Manogan, avait trois fils, Lludd, Caswallawn et Nynyaw; et d’après ce conte, il eut aussi un quatrième fils appelé Llevelys.
Après la mort de Beli le Grand, le royaume de l'île de Bretagne passa aux mains de Lludd, son fils aîné.
Lludd régna avec prospérité, reconstruisit les murs de Londres et entoura la cité d'innombrables tours. Ensuite, il ordonna aux citoyens d'y construire des maisons, si belles qu'aucune maison dans aucun royaume ne pouvait les égaler.
Lludd était un guerrier puissant et généreux qui donnait à manger et à boire à tous ceux qui venaient le lui demander. Et bien qu'il possédait de nombreux châteaux et villes, c’était Londres qu’il aimait plus que tout. Il y habitait la plus grande partie de l'année, et c'est pourquoi on appela cette ville Caer Lludd, puis Caer London : Ce n’est qu’après l’invasion des étrangers qu’elle s'appela Lwndrys (ou Londres).
Lludd préférait Llevelys à tous ses frères, car c'était un homme sage et discret.
Ayant appris que le roi de France était mort, en ne laissant d'héritier qu'une fille à qui il avait confié tous ses biens, Llevelys vint trouver Lludd, son frère, pour implorer son conseil et son aide. Llevelys ne voulait pas agir dans son intérêt personnel mais cherchait à accroître la gloire, l'honneur et la dignité de ses parents, et c’est pourquoi il voulait se rendre en France afin de courtiser la jeune fille en vue d’en faire sa femme. Lludd s'entretint aussitôt avec son frère, et approuva son projet.
Llevelys prépara des navires, y fit monter des chevaliers armés, et navigua vers la France. Dès qu'ils eurent débarqués, Llevelys envoya des messagers pour expliquer aux nobles de France le but de cette ambassade. Les nobles et les princes de France tinrent conseil, et la jeune fille fut donnée à Llevelys, ainsi que la couronne du royaume de France. Ensuite Llevelys gouverna le pays avec prudence, sagesse et bonheur, aussi longtemps que dura sa vie.
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Quelque temps après le couronnement de Llevelys trois plaies tombèrent sur l'île de Bretagne ; des fléaux comme on n’en avait jamais auparavant :
_ Le premier des fléaux était la venue, sur l’île de Bretagne, d’un peuple qu’on appelait les Coraniens; leur savoir était si grand qu'il n'y avait pas une discussion sur la surface de l'île, aussi basse puisse-t-elle être prononcée, qui n’arriva à leurs oreilles si le vent l’emportait. Et grâce à cela, ils ne pouvaient jamais être attaqués par surprise.
_ Le deuxième fléau était un cri perçant qui tombait tous les soirs de mai sur tous les foyers de l'île de Bretagne. Ce cri était si terrifiant qu’il transperçait le cœur des habitants, et les effrayait tellement, que les hommes sentaient leur sang se glacer et leur force refluer, les femmes enceintes perdaient leurs enfants, les jeunes hommes et les jeunes filles perdaient la raison, et tous les animaux,les arbres, la terre, les lacs et les rivières devenaient stériles.
_ Le troisième fléau était de loin le plus pernicieux : Quelles que soient les quantités de provisions et de nourriture stockées dans les châteaux du roi, quand bien même y avait-il une année entière de réserve, on n’y retrouvait qu’une quantité à peine suffisante pour un repas.
Et personne n'a jamais su la cause des deux derniers fléaux ; ce qui fit donc qu’il y avait plus d'espoir d'être délivré du premier fléau plutôt que du second ou du troisième.
C’est pourquoi le roi Lludd ressentait beaucoup de chagrin et d'inquiétude, car il ne savait pas comment il pourrait être libéré de ces trois fléaux.
Lludd convoqua autour lui tous les nobles de son royaume, et leur demanda conseil sur ce qu'il fallait faire pour lutter contre ces afflictions. Sur le conseil unanime des nobles, Lludd, fils de Beli, décida d’aller parler avec Llevelys, son frère, roi de France (car il était réputé pour être un homme de grand conseil et plein de sagesse) afin de lui demander conseil.
Ils préparèrent donc une flotte dans le plus grand secret que seuls le roi et ses conseillers se partageaient, de peur que les Coraniens n’apprennent la raison de leur expédition. Et quand ils furent prêts, Lludd, et ceux qu'il avait choisis, montèrent dans les navires et se mirent à fendre la mer vers la France.
Quand la nouvelle de cette armada parvint aux oreilles de Llevelys (qui ne savait pas que ces navires appartenaient à son frère), il vint à sa rencontre à la tête d’une flotte de grande taille. Voyant cela, Lludd a laissé tous ses navires au large sauf un, à bord duquel il vint à la rencontre de son frère. et Llevelys, lui aussi vint à la rencontre de Lludd à bord d’un seul navire. Et quand ils furent réunis, chacun passa des deux ses bras autour du cou de l'autre, et ils se saluèrent dans un amour fraternel.
Alors Lludd a expliqué à son frère la cause de sa venue et Llevelys lui a répondu qu'il savait la raison de sa venue sur les terres de France.
Ils commencèrent par échafauder un stratagème afin que le vent ne puisse emporter leurs paroles, pour que les Coraniens ne sachent pas ce qu'ils allaient se dire. C’est pourquoi Llevelys fit fabriquer une longue corne d'airain, et ils se parlèrent à travers cette corne. Mais chaque fois que l’un deux parlait dans cette corne, l'autre n’entendait que des paroles dures et hostiles. Quand Llevelys vit cela, il comprit qu'il y avait un démon qui essayait de jeter la discorde entre eux à l’aide de cette corne. Aussi, il y fit mettre du vin pour la laver, et par la vertu du vin le démon fut chassé de la corne.
Quand ils purent enfin parler librement, Llevelys dit à son frère qu'il lui donnerait des insectes qu'il devrait écraser dans de l'eau (mais qu’il devrait en garder quelques-uns pour se reproduire, au cas où la même affliction se reproduise plus tard) afin de pouvoir détruire la race des Coraniens. Il suffirait, disait Llevelys, que lorsqu'il rentrerait dans son royaume, Lludd convoque tous les gens de sa propre race et de la race des Coraniens pour une conférence dont le but serait de faire la paix entre eux ; et que lorsqu'ils seraient tous réunis, il jette cette eau sur tout le monde sans exception. Llevelys lui assura que l'eau empoisonnerait la race des Coraniens, mais qu'elle ne tuerait ni ne ferait de mal à personne de sa propre race.
« Je connais aussi la cause de la seconde plaie qui affecte ton empire, dit Llevelys, c'est un dragon. Il y a un autre dragon d'une race étrangère qui se bat avec lui et s'efforce de le vaincre. Et c'est pourquoi votre dragon pousse ce cri effrayant. Et voici le moyen de t’en débarrasser :
Après être rentré chez toi, fais mesurer l'île dans sa longueur et sa largeur, et à l'endroit exact où se trouve le centre de ton île, fais creuser une fosse, et fais remplir un chaudron du meilleur hydromel qui soit et mets le tout dans la fosse sans oublier de recouvrir le chaudron avec une couverture de satin. Puis, restes-là, en personne, à observer, et tu verras des animaux terrifiants combattre: ils finiront par prendre la forme de dragons volant dans les airs. Et enfin, épuisés, après ces combats acharnés et furieux, ils tomberont sous la forme de deux porcs sur la couverture de satin, et ils l'entraîneront jusqu'au fond du chaudron. Arrivés là, ils boiront tout l'hydromel; et ensuite ils dormiront. Alors, tu n’auras qu’à replier immédiatement la couverture sur eux puis les enterrer sous un cistvaen dans le lieu le plus désert de tes domaines, et le recouvrir d’un tumulus. Et tant que les dragons resteront dans cette place forte, aucun autre fléau de cette sorte n’accablera plus l'île de Bretagne.
« Quand à la cause du troisième fléau », dit Llevelys, « ce n’est qu’un puissant magicien, qui prend ta nourriture, ta boisson et toutes tes provisions. Par des illusions et des charmes, il est capable de faire dormir n’importe qui. C'est pourquoi il te faudra veiller personnellement sur ta nourriture et tes provisions. Et afin qu'il ne puisse te submerger de sommeil, place un chaudron d'eau froide à côté de toi, et si jamais tu es accablé de sommeil, plonge immédiatement dans le chaudron.
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Fort de tous ces conseils, Lludd retourna dans son pays. Immédiatement, il convoqua toute sa race ainsi que les Coraniens. Suivant les conseils de Llevelys, il écrasa les insectes dans de l'eau, qu'il jeta sur tous les membres de l’assemblée, et ainsi il détruisit toute la tribu des Coraniens, sans faire de mal à aucun des Bretons.
Quelque temps après cela, Lludd fit mesurer l'île de Bretagne dans sa longueur et dans sa largeur. Et il vit que le point central se trouvait à Oxford. A cet endroit il fit creuser la terre, et dans la fosse il déposa un chaudron rempli du meilleur hydromel qui soit, et plaça une couverture de satin dessus. Puis, cette nuit-là, Lludd a monté la garde. Et pendant sa garde, il vit les dragons se battre. Et quand les dragons furent fatigués, ils tombèrent sur la couverture de satin, jusqu’au fond du chaudron. Quand ils eurent bu l'hydromel, ils s'endormirent. Alors, profitant de leur sommeil, Lludd, replia la couverture sur d'eux, et les cacha dans un Cistvaen situé dans l'endroit le plus secret de Snowdon, Cet endroit qui s'appelait Dinas Ffaraon, a été renommé Dinas Emreis. Et depuis cette nuit, le bruit féroce cessa dans ses domaines.
Quand cela fut terminé, le roi Lludd fit préparer un très grand banquet. Quand le banquet fut prêt, il plaça un vase d'eau froide à côté de lui, et le surveilla lui-même. Lors de la troisième nuit qu'il montait la garde revêtu de son armure, il entendit de nombreuses voix lascives qui chantaient des chansons envoûtantes. La somnolence s’emparait de son corps et de son esprit. Aussi, de peur de succomber au sommeil, il allait souvent dans le vase d’eau froide. Finalement, un homme de grande taille, vêtu d'une armure lourde et solide, entra, portant un panier. Suivant son habitude, il mit toute la nourriture et les provisions de viande et de boisson dans le panier, et voulut partir avec. Et Lludd était tout étonné de voir que le panier puisse contenir autant de provisions.
Le roi Lludd courut après l’homme et lui parla ainsi.
_« Arrête-toi dit-il, tu m’as fait beaucoup de tort et pris beaucoup de butin, mais tu ne le feras plus, à moins que ton habileté dans les armes ne soient plus grandes que la mienne. »
Aussitôt le magicien posa le panier à terre et fit face à Lludd. Ils se battirent dans un duel si féroce que des étincelles volaient de leurs armes. Finalement, le destin a accordé la victoire à Lludd qui renversa le magicien à terre. L’homme implora sa miséricorde.
_ "Comment oses-tu me demander miséricorde", dit le roi, "après tous les torts que tu m'as faits ?"
_«Je te dédommagerai pour toutes les pertes que je t'ai causées, dit-il. Et je fais la promesse que plus jamais je ne te causerai du tort, mais que je serai ton fidèle vassal. »
Et le roi Lludd accepta sa promesse
C’est ainsi que Lludd a libéré l'île de Grande-Bretagne des trois fléaux. Et dès lors jusqu'à la fin de sa vie, Lludd, fils de Beli, régna sur l'île de Bretagne, dans une paix prospère.
Ce conte s'appelle l'histoire de Lludd et Llevelys.
Et c'est ici que ce récit se termine.
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Date de dernière mise à jour : 17/07/2023